Quand on est malade, on n’est pas bilingue

Aug 23, 2022

Publiée récemment dans le journal de l’Association médicale canadienne, une étude menée par 11 chercheur.e.s du Canada démontre que la langue utilisée par un médecin peut avoir une incidence majeure non seulement sur le bien-être du patient, mais aussi sur sa survie. L’étude basée sur les données de l’ICES a été menée en collaboration avec l’Institut du Savoir Montfort et l’Hôpital Montfort. Les chercheur.e.s ont analysé les données de 189 690 adultes ontariens bénéficiaires de soins à domicile qui ont été admis à Montfort, entre avril 2010 et mars 2018. 


« [Chez] les patients francophones qui reçoivent des soins en français, on observe une réduction de 24 % du nombre de décès après leur admission à l’hôpital. Chez les personnes allophones, on note une réduction de 54 % » explique une des co-autrices de l’étude, Emily Seale, étudiante en médecine et chercheuse à l’Institut du savoir Montfort. 


« Comprendre et traiter ce problème est un élément clé de la mission de l’Hôpital Montfort et de son institut de recherche, en particulier pour notre communauté francophone de l’est d’Ottawa et de l’Ontario. »

Sharon Johnston, directrice scientifique de l’Institut du Savoir Montfort


La comorbidité chronique des patients (qui signifie qu’une personne vit avec des maladies et/ou divers troubles de santé aigus ou chroniques qui s’ajoutent à la maladie initiale) était similaire dans tous les groupes linguistiques. Toutefois, comparativement aux anglophones, les allophones étaient plus susceptibles d’avoir des limitations fonctionnelles, tandis que les francophones étaient plus susceptibles de connaître un plus grand déclin de leur santé, comme l’indique un score CHESS plus élevé (changes in health, end-stage disease and signs and symptoms, ou changements dans l’état de santé, maladies terminales et signes et symptômes). 


Cette situation peut « s’expliquer en partie par l’amélioration de la communication entre le patient et le prestataire de soins (par exemple, la capacité d’évoquer les symptômes et d’obtenir des antécédents médicaux complets), qui peut améliorer la précision et la rapidité des diagnostics établis par les médecins. » 


En contrepartie, si la communication entre le prestataire de soins et le patient n’est pas adéquate, le médecin est plus susceptible de réaliser un plus grand nombre d’examens, prolongeant ainsi inutilement le séjour à l’hôpital et accroissant le risque d’événements indésirables. 


Comme le précise Elizabeth Tanguay, directrice de l’équipe Santé Ontario de l’est d’Ottawa, « ces effets ont non seulement un impact négatif sur la qualité des soins reçus, mais génèrent aussi des coûts importants au système puisqu’ils monopolisent des ressources qui pourraient être redirigés vers un autre patient dans le besoin. L’objectif est que chaque personne qui se présente chez un des 40 partenaires de l’ÉSO obtienne les services appropriés dans la langue de son choix. De cette façon, les clients sont mieux servis, les ressources sont mieux utilisées et tout le monde retire un maximum de bénéfice du système de santé publique. » 


Pour Jacinthe Desaulniers, présidente-directrice générale du Réseau des services de santé en français de l’Est de l’Ontario:


« Cette nouvelle étude réalisée auprès de 189 690 patients démontre clairement l’impact de la concordance linguistique sur la sécurité (réduction des événements indésirables), l’efficience, (réduction de la durée des hospitalisations) et l’efficacité de soins (réduction des décès). Alors que le système de santé est sous pression, cette étude nous rappelle [qu’] une offre active de services de santé en français [est un] élément essentiel d’un service de santé de qualité centré sur le patient. Comme on dit au Réseau, quand on est malade, on n’est pas bilingue. » 


Comme les chercheur.e.s le mentionnent dans leur article, jusqu’à présent, il n’existait aucune littérature scientifique démontrant clairement l’importance de la langue de traitement des patients admis à l’hôpital. L’étude co-réalisée par Emily Seale, étudiante à la faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, remédie à la situation. Même si un peu moins de la moitié (44,4%) des francophones ont principalement été traités dans leur langue, la situation pour les allophones est loin derrière. Dans un environnement aussi multiculturel que l’Ontario, ce ne sont pourtant que 1,6% des allophones qui ont pu être traités par un médecin parlant leur langue. 


Depuis quelques années l’Ontario déploie différentes lois et mesures sur d’accessibilité. Il reste pourtant beaucoup à faire pour améliorer l’accès à des soins et des services de santé dans une langue qui convient au patient, à tout le moins dans les deux langues officielles. À travers sa mission d’intégration, l’équipe Santé Ontario de l’est d’Ottawa et ses partenaires travaillent à réduire les inefficiences et les inégalités afin de permettre un accès équitable à des soins appropriés dans la langue choisie par chaque personne. Avec l’aide des projets de recherche de l’Institut du Savoir Montfort, il devient possible de mieux comprendre certains problèmes et d’identifier des stratégies et actions nécessaires pour assurer la sécurité et le bien-être de la population. Comme les résultats de l’étude le démontre, traiter une personne dans une langue qu’elle comprend bien pourrait lui sauver la vie.

03 avr., 2024
Dans le cadre de la stratégie du Réseau avec les équipes Santé Ontario (ÉSO) et en collaboration avec l'Équipe Santé Enfants avant tout, le Réseau a développé des stratégies gagnantes qui ont comme objectif d'aider tous les fournisseurs de services de santé à améliorer la QUALITÉ et l’ACCÈS aux services en français. Le protocole regroupe un ensemble de stratégies gagnantes et d'outils afin de mettre celles-ci en œuvre.
03 avr., 2024
Winning strategies to help all health service providers improve the QUALITY and ACCESS to French-language services. The protocol brings together a set of winning strategies and the tools to implement them.
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